Inutile de frapper aux portes condamnées. Il n’y a pas de portes, mais des miroirs. Inutile de fermer les yeux, ou de retourner parmi les hommes : cette lucidité ne m’abandonne plus.
Je briserai les miroirs, je mettrai en morceaux mon image, que mon complice, mon délateur, chaque matin reconstitue pieusement.
La solitude de la conscience et la conscience de la solitude, le jour avec pain et eau, la nuit sans eau. Sécheresse, champ ravagé par un soleil sans paupières, oeil atroce, ô conscience ! présent pur où le passé et l’avenir brûlent sans éclat ni espérance. Tout débouche dans cette éternité qui ne débouche nulle part.
Là où s’effacent les chemins, où s’achèvent le silence, j’invente le désespoir, l’esprit qui me conçoit, la main qui me dessine, l’oeil qui me découvre. J’invente l’ami qui m’invente, mon semblable ; et la femme, mon contraire, tour que je couronne d’oriflammes, muraille que mon écume assaille, ville dévastée qui renaît lentement sous la domination de mes yeux.
Contre le silence et le vacarme, j’invente la Parole, liberté qui s’invente elle-même et m’invente chaque jour.
Inútil tocar a puertas condenadas. No hay puertas, hay espejos. Inútil cerrar los ojos o volver entre los hombres: esta lucidez ya no me abandona.
Romperé los espejos, haré trizas mi imagen –que cada mañana rehace piadosamente mi cómplice, mi delator–. La soledad de la conciencia y la conciencia de la soledad, el día a pan y agua, la noche sin agua. Sequía, campo arrasado por un sol sin párpados, ojo atroz, oh conciencia, presente puro donde pasado y porvenir arden sin fulgor ni esperanza. Todo desemboca en esta eternidad que no desemboca.
Allá, donde los caminos se borran, donde acaba el silencio, invento la desesperación, la mente que me concibe, la mano que me dibuja, el ojo que me descubre. Invento al amigo que me inventa, mi semejante; y a la mujer, mi contrario: torre que corono de banderas, muralla que escalan mis espumas, cuidad devastada que renace lentamente bajo la dominación de mis ojos.
Contra el silencio y el bullicio invento la Palabra, libertad que se inventa y me inventa cada día.
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